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Je devais avoir 20 ans, quand j’ai reçu, au détour d’une soirée improvisée, cette claque insensée qu’a été « L’œuf de l’ange ».
Cette nuit-là, dans un sombre petit appart parisien, dans des conditions de visionnage spartiates, j’ai compris que l’animation, ça pouvait aussi être ça : L’univers intime de deux artistes, concentré dans une œuvre tellement aux antipodes de ce que j’avais l’habitude de regarder, tellement atypique et affirmée, qu’elle m’a marquée au fer rouge et a influencé toute ma trajectoire. Mamuro Oshii et Yoshitaka Amano m’ont appris, entre autres choses, qu’on pouvait, qu’on devait montrer aux gens ce qu’ils n’attendent pas forcément. Leur jeter au visage notre folie, nos névroses, nos rêves et nos obsessions, et les laisser se débrouiller avec ça. Ne pas calculer.
De nos jours, où toute œuvre est objet de commerce, où les images sont consommées jusqu’à la boulimie, j’imagine que c’est devenu compliqué. J’ignore dans quelles conditions a été produit ce film en 1985, comment une telle chose se finance, mais il s’en dégage, encore aujourd’hui, une liberté sans bornes, une lenteur, une pesanteur même, une délicatesse et une rigueur expérimentale qui en exaspérera plus d’un, tant nous nous sommes habitués à la vitesse.
Juste un petit exemple : On a, dans ce film, choisi de nous infliger un plan fixe et silencieux de 2m30, durant lequel on observe un feu vaciller jusqu’à s’éteindre, tandis qu’un homme veille au chevet d’une fillette endormie.
C’est très long.
Pendant 150 secondes, on est otage de ce plan. On ne peut qu’en scruter chaque détail, et en attendant, avec la frustration grandissante qu’il se passe enfin quelque chose, se poser mille questions sur ce qu’il signifie, ce qu’il faut y voir, que pense cet homme, que comprendre !? On nous impose de réfléchir, sans autre distraction. On prend le temps.
Je l’ai revu il y a quelques jours, et je pense que c’est le plan que je préfère.
Ce mois-ci donc, j’ai décidé de me faire plaisir et de ne pas calculer, et de rendre hommage à cet ovni cryptique, qui encore aujourd’hui, me ravit. Tenshi no Tamago : L’œuf de l’ange.
Commentaires :
Schloubi Le à , a écrit :
Ça fait plaisir de voir que tu connais ce film, ainsi que cet hommage ! C’est un chef d’œuvre qui sort des sentiers battus, dont l’ambiance est atypique, poétique et singulière. Sans parler du trait de Yoshitaka Amano qui est magnifique. Comme ce dernier a eu sans doute pas mal de succès avec Vampire Hunter, je suppose qu’on leur a laissé champ libre pour cette œuvre. A moins que ce ne soit sortit avant Vampire Hunter….